Les plantes
Les plantes
Avant toute chose, il convient de préciser que le terme « Artemisia » couramment utilisé par La Maison de l’Artemisia renvoie aux espèces de plantes Artemisia annua et Artemisia afra. Ce nom générique n’est pas écrit en italique afin de ne pas être confondu avec le nom de genre « Artemisia » qui comprend plusieurs centaines d’autres espèces.
Distinction entre Artemisia annua et Artemisia afra :
L’Artemisia annua est une plante herbacée utilisée depuis 2 000 ans dans la Médecine Traditionnelle Chinoise pour prévenir et soigner les fièvres intermittentes (paludisme) et d’autres parasitoses. Cette plante est annuelle. Il faut donc la semer chaque année afin de la récolter avant sa floraison. Cela la rend exigeante en soins.
L’Artemisia afra est un buisson vivace originaire du Sud-Est de l’Afrique, utilisé par les Praticiens de Médecine Traditionnelle depuis des siècles pour prévenir et soigner le paludisme et autres parasitoses. C’est une plante pérenne qu’on peut récolter au besoin tout au long de sa croissance. Cependant, elle produit difficilement des graines viables. C’est pourquoi sa multiplication se fait essentiellement par marcottage ou bouturage.
Histoire et usages traditionnels
Artemisia annua
Artemisia annua L est originaire de Chine, son nom chinois Qing Hao, signifie littéralement “herbe verte”.
En Chine, la connaissance des vertus médicinales des armoises est très ancienne. C’est notamment le cas des espèces Artemisia annua et Artemisia apiacea.
La première mention de ces plantes médicinales et de leur indication – le traitement des hémorroïdes suintantes – a été retrouvée dans les tombes de la dynastie des Han Mawangdui sur un rouleau de soie daté de 168 avant JC.
200 après JC : première rédaction du Shen Nong Ben Cao Jing, livre fondateur de la phytothérapie chinoise, somme de la connaissance de la phytothérapie transmise oralement depuis des siècles (Shou-zhong, 1997). Le texte affirme qu’entre autres propriétés, Qing Hao “soulage la chaleur logée dans les joints”, ce qui pourrait être interprété comme le traitement de maladies fébriles.
Zhang Ji (150-219 après JC) dans son texte classique, sur “les dommages causés par le froid” (Shang Han Lun) recommande une décoction de Qing Hao pour traiter les fièvres avec transpiration et jaunisse (Mitchell et al., 1999).
Le médecin-philosophe Ge Hong est le premier à mentionner les propriétés anti fébriles de ces plantes dans son « Manuel de prescriptions pour les traitements d’urgence » au début du 4ème siècle. Le mode de la préparation était une extraction aqueuse à froid : une poignée des parties aériennes de la plante devait être trempée dans deux sheng (environ 1 à 2 l) d’eau, et le jus devait être bu en entier (Tu, 1999).
L’utilisation d’Artemisia annua comme médicament majeur des fièvres intermittentes apparaît sous la dynastie Song (960-1279). La décoction de Qing Hao est décrite dans la « Collection médicale générale de la bienveillance royale ». L’expansion des rizières à cette époque, démultiplia les terrains de reproduction idéaux pour les moustiques vecteurs du parasite de la malaria.
Ce n’est qu’au 16ème siècle, que le célèbre médecin et naturaliste Li Shizhen, sous la dynastie Ming, décrit l’utilisation de Qing Hao pour traiter la fièvre paroxystique du paludisme dans son Ben Cao Gang Mu (Compendium Materia Medica).
Fin 18ème, Wenbing Tiaobian utilise Qing Hao en mélange avec d’autres plantes selon le type de fièvre (cité dans Laughlin et al., 2002)
Feuilles et tiges d’A. annua sont également brûlées en Chine comme insecticide fumigeant pour tuer les moustiques (Foster et Chongxi, 1992).
Au cours de la première moitié du 20ème siècle, la colonisation de la Chine conduisit à une dévalorisation des connaissances traditionnelles et au mépris de la phytothérapie de l’Empire au profit de la médecine occidentale, et ce n’est que dans le contexte après la Deuxième Guerre mondiale, que les vertus de l’Artemisia annua vont être de nouveau mises en lumière.
Confrontées dans les années 1960 à une forte recrudescence du paludisme dans les Provinces du sud, les autorités chinoises lancent le “Programme 523” qui consiste à explorer les potentialités de la phytothérapie traditionnelle chinoise. Les scientifiques de l’Institut de Materia Medica de Pékin ont découvert une région du sud sans paludisme et où les habitants buvaient une préparation à base d’Artemisia annua dès les premiers symptômes du paludisme. La consultation des traités traditionnels bencao par les scientifiques chinois leur fit également découvrir l’ancienneté de cette indication médicinale.
Pendant la guerre du Vietnam, le Viêt-Cong qui opérait dans les marécages, les rizières et forêts tropicales perdait plus de soldats par les piqûres de moustiques infectés que par les balles et bombes américaines. Hô Chi Minh s’est alors tourné vers la Chine et l’envoi massif d’Artemisia annua et d’Artemisia apiacea permit aux soldats nord-vietnamiens de se prémunir de la menace paludique.
C’est en 1972 que la molécule d’artémisinine est isolée des feuilles de la plante. Les médicaments chinois à base d’artémisinine ne furent diffusés que dans la sphère de Pékin (Vietnam, Cambodge et quelques pays africains).
Au cours des années 1980, les autorités sanitaires prirent conscience de l’aggravation du phénomène de résistance du parasite responsable du paludisme aux dérivés de la quinine. Et c’est à ce moment-là que l’artémisinine devient connue dans le monde entier et suscitent l’intérêt des grandes firmes pharmaceutiques, qui se mettent à fabriquer des dérivés semi-synthétiques et déploient sur le marché en 1986 les premiers médicaments (artésunate hydrosoluble, arthéméter liposoluble).
En 2015, l’une des chercheuses du programme 523, le Professeur Tu Youyou se vit décernée un prix Nobel de médecine pour la découverte de l’artémisinine.
Si l’OMS et les laboratoires pharmaceutiques ont encouragé et soutenu la recherche concernant la molécule d’artémisinine, ils n’ont pas promu la recherche sur le potentiel de la plante elle-même.
Sources
2. M. Wilcox and al., Artemisia annua as a Traditional Herbal Antimalarial in CRC Press, 2004
3. E. Hsu, The history of qing hao in the Chinese materia medica, Transactions of the Royal Society of Tropical Medicine and Hygiene (2006) 100, 505—508
4. Jean-Luc Galabert “Artemisia, de la malaria au coronavirus” Izuba Editions
Artemisia afra
Artemisia afra s’est fait beaucoup discrète dans l’histoire que sa cousine chinoise. Les vertus et modalités d’usage d’Artemisia afra furent transmises oralement au sein des sociétés africaines qui l’ont inclus dans leur pharmacopée. Cette plante pousse naturellement dans les régions montagneuses du sud-est de l’Afrique entre 1.500 et 3.000 mètres d’altitude.
Artemisia afra Jacq. est présente sur les plateaux de l’Est de l’Afrique, de l’Afrique du Sud à l’Éthiopie. Comparée à la Médecine Traditionnelle Chinoise, la Médecine Traditionnelle Africaine est beaucoup moins documentée du fait du morcellement culturel et linguistique du vaste continent africain.
L’Artemisia afra entre dans la pharmacopée traditionnelle de nombreuses ethnies qui la nomment “Umhlonyane”, “Mhlonyane”, “Lanyana”, “Lengana”, “Fivi”, “Lusange”, “Lunyaga” …
Elle est utilisée pour traiter une grande variété de maux allant des pathologies des voies respiratoires (toux, rhume, mal de gorge, grippe, asthme), aux désordres gastro-intestinaux (la dyspepsie, les parasitoses intestinales, gastrite), à l’usage topique pour les affections cutanées (teigne tondante, furoncles, acné, hémorroïdes, herpès, plaies) aux problèmes gynécologiques (dysménorrhée, aménorrhée, crampes menstruelles) à la fièvre.
L’infusion d’A. afra est largement utilisée dans la lutte contre le paludisme parfois en association avec Lippia javanica, la tuberculose pulmonaire et le diabète. Elle est également utilisée dans des maladies inflammatoires (rhumatismes, goutte) et des troubles neurologiques comme l’épilepsie.
Sources
2. Some Medicinal Forest Plants, FAO Forestry Paper 67, 1986
3. N.Q. Liu, et Al., Artemisia afra: A potential flagship for African medicinal plants ? South African Journal of Botany 75 (2009) 185–195 https://doi.org/10.1016/j.sajb.2008.11.001
4. JPatil GV, Dass SK, Chandra R (2011) Artemisia afra and Modern Diseases. J Pharmacogenom Pharmacoproteomics 2:105. doi:10.4172/2153-0645.1000105
Différents types de préparations à base d’Artemisia sont utilisées par voie interne comme externe.
L’infusion : communément, un quart de tasse de feuilles fraîches est ajouté à une tasse d’eau bouillante et infusé 10 min. Le mélange est ensuite filtré et l’infusion résultante est sucrée avec du miel. Cette préparation est prise par voie orale pour soulager la plupart des maux. L’infusion chaude est aussi utilisée comme gargarisme pour traiter les maux de gorge. L’infusion d’une double poignée de feuilles dans un litre d’eau est administrée sous forme de lavement pour les plaintes fébriles.
La décoction : plante bouillie pendant 10 min, est un remède contre la fièvre et peut aussi être appliquée comme lotion sur des inflammations glandulaires ou cutanées, de l’herpès, des plaies et peut être utilisée pour baigner des parties du corps (conduit auditif externe, hémorroïdes). Une infusion de feuilles ou une décoction de racines est également utilisée pour le traitement du diabète dans la province du Cap oriental d’Afrique du Sud.
L’inhalation : les affections respiratoires, les maux de gorge sont traités en inhalant la vapeur de feuilles bouillantes et parfois la fumée des feuilles qui se consument.
Le cataplasme des feuilles et onguents est appliqué pour soulager des névralgies, des inflammations glandulaires et cutanées (oreillons), la teigne tondante et placé sur l’abdomen pour traiter les coliques infantiles.
L’extraction alcoolique : il est également possible de réduire les coliques en administrant une teinture faite de feuilles mouillées par le cognac.