Les prérequis
Télécharger en PDFLa culture de l’Artemisia n’est pas simple. C’est pourquoi certaines conditions sont requises pour se lancer avec succès dans la culture.
Site de culture
Choisir un terrain plat bien exposé au soleil avec de préférence une terre meuble. Eviter au maximum les terrains en pente, les sols très argileux ou très sableux, sites inondables ou à mauvais drainage et en bordure de mer.
Ne pas cultiver dans des zones contaminées par des substances dangereuses (métaux lourds, produits agrochimiques et autres déchets industriels). Eviter tout risque de pollution des sols, de l’air ou de l’eau. Evaluer l’impact de l’utilisation passée des sols sur le lieu de culture choisi (plantations précédentes et applications éventuelles de produits phytosanitaires notamment) [1].
Accès à l’eau
La culture de l’Artemisia annua nécessite une quantité d’eau non négligeable puisque chaque plante doit être arrosée généreusement matin et soir chaque jour en saison sèche. Cette quantité doit être réduite en fonction des pluies durant la saison des pluies.
La mise en place d’un puit ou forage et/ou système d’irrigation est souvent nécessaire ! Il est possible de cultiver l’Artemisia annua en saison des pluies pour faire d’importantes économies d’eau mais cela peut donner de moins bons résultats qu’en saison sèche. La période de culturale optimale est à définir dans chaque contexte.
Une fois bien installée, l’Artemisia afra résiste mieux aux fortes températures et à la sécheresse. Ses besoins en eau sont surtout importants les 3 premiers mois en champs.
L’eau d’irrigation doit satisfaire aux normes de qualité locales, régionales et/ou nationales [1].
L’eau d’irrigation ne doit pas être contaminée par des matières provenant des animaux domestiques ou de l’homme [1].
(Voir Guide d’AGRISUD [7] p 85 à 87 – Protection de l’eau contre les pollutions.)
Un excès en eau est également à proscrire ! Il peut induire le lessivage des éléments nutritifs ou une réduction de la profondeur racinaire de la plante [2]. De plus, l’Artemisia annua est sensible à l’engorgement. C’est pourquoi des canaux de drainage doivent être mis en place lors de sa culture en saison des pluies [3].
A titre indicatif : à la Maison de l’Artemisia de Tivaouane au Sénégal (climat chaud et sec, BSh, 443 mm/an en moyenne),
en saison sèche, les plantes sont arrosées chaque jour par des asperseurs pendant 25 à 30 minutes matin et soir pendant 1 mois et demi après la transplantation puis 15 minutes matin et soir par la suite. Cela représente respectivement 3,52 mm d’eau et 1,92 mm d’eau par jour.
Le choix du système d’irrigation doit être réfléchi pour chaque exploitation en fonction des caractéristiques du sol, de la topographie, de la qualité et du prix de l’eau mais aussi et surtout en fonction de la surface de culture et des matériaux disponibles pour réduire les coûts [4]. Dans les petites exploitations, l’utilisation d’arrosoirs reste souvent la solution la plus rentable.
ATTENTION ! Il est important de minimiser l’impact physique de l’eau sur les plantules qui sont fragiles pour ne pas entraîner leur destruction [5].
À la Maison de l’Artemisia de Tivaouane au Sénégal, la mise en place d’un système d’irrigation par aspersion a permis à lui seul d’augmenter de 50 % les récoltes par rapport à l’irrigation en goutte à goutte utilisée l’année précédente. Il provoque une plus forte mortalité des transplants en tout début de culture mais permet une meilleure décomposition du compost et paillage mis en place, entraînant une meilleure croissance de l’Artemisia annua [6].
Afin de réduire la perte de jeunes plantes due à l’irrigation par aspersion, la micro-irrigation est efficace lorsque les plantes ont moins de 1,2 m de haut [4].
De manière générale, l’irrigation par aspersion semble plus avantageuse sur sol sableux car les racines se développent en surface pour capter l’eau s’infiltrant très vite dans le sol ; tandis que l’irrigation localisée en goutte-à-goutte est plus appropriée sur sol argileux car les racines sont alors moins étendues et plus profondes pour capter l’eau retenue dans le sol.
(Pour plus d’informations, voir Guide d’AGRISUD [7] p 75 à 84 – Gestion de l’eau.)
Matériel
- Clôtures si besoin ;
- Système d’arrosage : arrosoir, pulvérisateur (réservés pour l’irrigation, utilisés uniquement avec de l’eau) dans un premier temps ; forage/puit/électropompe/château d’eau et système d’irrigation lorsque la production et le besoin en eau s’agrandit ;
- Minimum 250 kg de compost pour un essais de 200 m² (10 kg pour la pépinière et 240 kg pour les plantes, soit 600 g/plante minimum) ;
- Paillage pour couvrir la surface cultivée ;
- Petit matériel de maraîchage : houe, bêche, pelle, machette, brouette, seaux, désherbeur, sécateur, tamis, … ;
- Pépinière : cadres en bois ou plateaux alvéolés ou bidons coupés, moustiquaire ou grillage, dispositif de protection de l’insolation directe et de la pluie;
- Sachets plastiques ou pots de récupération pour le repiquage éventuel avant transplantation ;
- Séchage : bâches ou nattes non trouées et propres. Tables de séchage, claies ou système solaire et thermomètre lorsque la production se professionnalise ;
- Broyage : machettes ou broyeur à marteaux (qui ne chauffe pas) lorsque la production s’intensifie;
- Transport si atelier de transformation hors site : sacs propres ;
- Un congélateur pourra être nécessaire pour garantir la qualité en cas de problèmes d’insectes ;
- Récolte des graines : bassines ;
- Stockage du broyat : sacs ou caisses propres et secs hermétiquement fermées ;
- Conditionnement : Sachets kraft sans plastique de dimensions 20*8*4 cm avec étiquettes et macarons règlementaires de La Maison de l’Artemisia, gants en latex à usage unique, blouses propres, masques, balance pèse-lettres pour le dosage des sachets de 40 g ;
- Fournitures administratives de gestion : cahier ou classeur, stylos, …
- Aucun outil de laboratoire n’est requis.
Chef de culture
La culture de l’Artemisia annua n’est pas facile. Une présence quotidienne et un minimum de connaissances agronomiques sont requis afin de réussir la production de cette plante. De plus, la culture sans pesticides nécessite des soins avisés pour prévenir et contrer toute attaque de bioagresseurs (= ravageurs + maladies). Enfin, la pratique de rotations culturales étant indispensable, la maîtriser d’autres cultures de production l’est également.
(Pour plus d’informations, voir Guide d’AGRISUD [7] p 133 à 137 – Successions culturales.)
Un responsable de culture doit être désigné afin de répondre aux exigences de qualité concernant la traçabilité des lots de production.
Nous encourageons fortement les pratiques agroécologiques incluant la diversification des cultures.
(Voir Guide d’AGRISUD [7], en particulier p 119 à 122 pour la mise en place de haies vives contre le vent et d’associations.)
(Voir exemple de Jardin médicinal subtropical type de La Maison de l’Artemisia.)
Avantages des associations culturales :
(Pour plus d’informations, voir Guide d’AGRISUD [7] p 139 à 141 – Associations culturales.)
- Garder un sol vivant et fertile ;
- Optimiser l’utilisation de l’espace de culture ;
- Diminuer le désherbage, l’apport d’eau et améliorer le sol en le couvrant par le paillage ou des plantes rampantes ;
NB : La croissance de l’Artemisia est directement affectée par les adventices et la fertilité du sol
- Limiter le recours aux intrants (eau, fertilisants, produits phytosanitaires) ;
- Protéger les cultures par l’effet de résilience dû à la biodiversité ;
- Améliorer la production en qualité et quantité ;
- Sécuriser le revenu des agriculteurs en diversifiant les productions.
Lors du choix des associations culturales avec l’Artemisia, penser à la complémentarité :
- Etager les cultures (choisir différentes strates de feuillages laissant l’Artemisia grandir à la lumière) ;
- Choisir des plantes n’envahissant pas son système racinaire peu développé ;
NB : l’Artemisia possède un système racinaire en pivot qui sait puiser l’eau en profondeur s’il le faut mais ne descend pas s’il y a de l’eau en surface car ses racines secondaires se développent alors dans l’horizon supérieur du sol.
- Associer à des légumineuses puisque l’Artemisia est très demandeuse d’azote (ex : arachides, haricots non grimpants, pois, soja, niébé, lentilles … mais éviter blé, maïs et manioc qui demandent elles aussi beaucoup d’azote) ;
- Cultiver avec d’autres plantes ayant les mêmes exigences en eau [7].
De plus, l’Artemisia a un effet répulsif sur bon nombre d’insectes ravageurs et protèges donc les autres cultures en association avec elle.
Plusieurs essais concluants ont été reportés avec la culture de de melon, arachide, pois, soja, niébé, lentilles, choux, carottes, amarante, concombre, tomate, gombo, grande morelle, piment rond, poireaux, bissap, bananier, kinkeliba, aromates (menthe, thym, romarin, basilic, …), haricots non grimpants (plantés après l’Artemisia) et laitues (à faible concurrence pendant une vingtaine de jours puis récoltées pour laisser l’Artemisia grandir, écart de 20 cm nécessaire).
Laisser sur place les fanes des légumineuses cultivées en association permet aussi de produire un très bon paillage, car riche en azote !
Penser aussi aux plantes produites pour fournir du paillage, tel que la citronnelle.
Ne pas la cultiver à coté de plantes nécessitant des traitements chimiques !
Il est vital de n’utiliser que des pratiques culturales non toxiques car les espèces du genre Artemisia sont de puissants bioaccumulateurs ! [8]
C’est-à-dire qu’elles absorbent et accumulent en elle les métaux lourds (Cr, Ni, Co, Fe, Mn, Cu, Zn), éléments chimiques et déchets radioactifs.
Références
1. World Health Organization. Directives OMS sur les bonnes pratiques agricoles et les bonnes pratiques de récolte (BPAR) relatives aux plantes médicinales. 2003. Disponible sur : https://apps.who.int/iris/handle/10665/42869
2. Ellman A. Cultivation of Artemisia annua in Africa and Asia. Outlooks on Pest Management. 2010 ; 21(2) : 84-88.
3. World Health Organization. WHO monograph on good agricultural and collection practices (GACP) for Artemisia annua L. 2006. Disponible sur : http://www.who.int/malaria/publications/atoz/9241594438/en/
4. Martinez I. Study about the possibilities of the dissemination of Artemisia annua L. cultivation in the Thiès region of Senegal : performance analysis of three different varieties grown under irrigation. Mémoire de master bio-ingénieur en sciences agronomiques, sous la direction de Pr. Guy Mergeai, Gembloux, Gembloux Agro-Bio Tech (ULiège). 2015.
5. Ferreira, J.F.S. et al. Cultivation and genetics of Artemisia annua L. for increased production of the antimalarial artemisinin. Plant Genetic Resources: Characterization and Utilization. 2005 ; 3(2) : 206-229.
6. Sougnez A. Étude des principaux facteurs de la production de l’armoise annuelle (Artemisia annua L.) sur le domaine de l’organisation « Le Relais – Sénégal) : Effet de la densité et de la fertilisation. Mémoire de master bioingénieur en sciences agronomiques, sous la direction de Pr. Guy Mergeai, Gembloux, Gembloux Agro-Bio Tech (ULiège). 2017.
7. AGRISUD. L’agroécologie en pratiques – GUIDE édition 2020. 2020. Disponible sur : http://www.agrisud.org/wp-content/uploads/2020/04/Agrisud_Guide_Agroecologie_2020.pdf
8. XOCHIPELLI. L’Artemisia dans la Pharmacopée Familiale. 2019. Disponible sur : https://blog.kokopelli-semences.fr/2019/02/lartemisia-dans-la-pharmacopee-familiale/