Usages traditionnels

En Chine

Artemisia annua L est originaire de Chine, son nom chinois Qing Hao, signifie littéralement “herbe verte”.

La Prix Nobel de Médecine Youyou Tu explique dans son livre, « de Artemisia annua L. aux artemisinines » qu’en Médecine Traditionnelle Chinoise, Qing Hao est le nom générique d’une catégorie d’herbes médicinales (Armoises), contenant 6 variétés. Chacune contient différents composants chimiques avec différents degrés d’efficacité dans le traitement du paludisme. Bien qu’il existe différentes variétés de Qing Hao, selon Youyou Tu, seule A. annua L. a une forte activité antipaludique avérée.
Ainsi, A. annua L. est considérée par elle comme l’authentique plante médicinale contre le paludisme.

  • 168 avant JC : La plus ancienne trace écrite de l’utilisation médicinale de Qing Hao provient d’un morceau de soie où sont consignées les “52 ordonnances” (Wu Shi Er Bing Fang) et qui fut déterré des tombes de la dynastie des Han Mawangdui. L’inscription recommande l’utilisation de Qing Hao pour le traitement des hémorroïdes.
  • 200 après JC : 1ère rédaction du Shen Nong Ben Cao Jing, livre fondateur de la phytothérapie chinoise, somme de la connaissance de la phytothérapie transmise oralement depuis des siècles (Shou-zhong, 1997). Le texte affirme qu’entre autres propriétés, Qing Hao “soulage la chaleur logée dans les joints”, ce qui pourrait être interprété comme le traitement de maladies fébriles.
  • Zhang Ji (150-219 après JC) dans son texte classique, sur « les dommages causés par le froid » (Shang Han Lun) recommande une décoction de Qing Hao pour traiter les fièvres avec transpiration et jaunisse (Mitchell et al., 1999).
  • En 340 après JC, « Le Manuel des prescriptions pour les traitements d’urgence » (Zhouhou Beiji Fang), recommande également l’utilisation de Qing Hao pour les fièvres. Le mode de la préparation était une extraction aqueuse à froid : une poignée des parties aériennes de la plante devait être trempée dans deux Sheng (environ 1 à 2 l) d’eau, et le jus devait être bu en entier (Tu, 1999).
  • Entre 960 et 1279 après JC, sous la dynastie des Song, la décoction de Qing Hao est décrite dans la « Collection médicale générale de la bienveillance royale » (dans le Sheng Ji Zong Lu, « Archives générales du Saint-Soulagement universel »).
  • Entre 1271 et 1368 après JC, sous la dynastie Yua, Les pilules de Qing Hao sont décrites dans le livre « Maîtrise en médecine de Danxi » (Dan Xi Xin Fa).
  • Entre 1368-1644 après JC, sous la dynastie Ming, la poudre Qing Hao est relatée dans les « Prescriptions pour le soulagement universel » (Pu Ji Fang).
  • En 1596, Li Shizhen, sous la dynastie Ming, décrit l’utilisation de Qing Hao pour traiter la fièvre paroxystique du paludisme dans son Ben Cao Gang Mu (Compendium Materia Medica).
  • En 1798, Wenbing Tiaobian utilise Qing Hao en mélange avec d’autres plantes selon le type de fièvre (cité dans Laughlin et al., 2002)
  • Feuilles et tiges d’A. annua sont également brûlées en Chine comme insecticide fumigant pour tuer les moustiques (Foster et Chongxi, 1992).

Ainsi, au cours de ces plus de 2 millénaires, différentes préparations de Qing Hao ont été recommandées dans ces différents textes : du jus de feuilles écrasées, des décoctions dont une de 30 g d’A. annua par jour, des comprimés, des feuilles séchées en poudre à raison de 3 g par jour pendant 5 jours, et des plantes fraîches à une dose de 3 g par jour, du vin au Qing Hao, de la rosée de Qing Hao …(QACRG, 1979 ; Foster et Chongxi, 1992).

Toutefois, comme l’ajoute Youyou Tu, en raison des incertitudes liées à la difficulté d’identifier la bonne variété d’Artemisia, au contrôle qualité difficile à mettre en place, aux méthodes d’administration, il existe des obstacles à l’acceptation internationale de la « Médecine Traditionnelle Chinoise brute d’origine”.

Sources

Youyou Tu, De Artemisia annua L. aux artemisinines, Quintesciences, EDP Sciences

M. Wilcox and al., Artemisia annua as a Traditional Herbal Antimalarial in CRC Press, 2004

E. Hsu, The history of qing hao in the Chinese materia medica, Transactions of the Royal Society of Tropical Medicine and Hygiene (2006) 100, 505—508

En Afrique

Artemisia afra Jacq. est présente sur les plateaux de l’Est de l’Afrique, de l’Afrique du Sud à l’Ethiopie. Comparée à la Médecine Traditionnelle Chinoise, la Médecine Traditionnelle Africaine est beaucoup moins documentée du fait du morcellement culturel et linguistique du vaste continent africain. L’Artemisia afra entre dans la pharmacopée traditionnelle de nombreuses ethnies qui la nomment “Umhlonyane”, «Mhlonyane», « Lanyana», « Lengana », « Fivi », « Lusange », « Lunyaga » … Elle est utilisée pour traiter une grande variété de maux allant des pathologies des voies respiratoires (toux, rhume, mal de gorge, grippe, asthme), aux désordres gastro-intestinaux (la dyspepsie, les parasitoses intestinales, gastrite), à l’usage topique pour les affections cutanées (teigne tondante, furoncles, acné, hémorroïdes, herpès, plaies) aux problèmes gynécologiques (dysménorrhée, aménorrhée, crampes menstruelles) à la fièvre. L’infusion d’A. afra est largement utilisée dans la lutte contre le paludisme parfois en association avec Lippia javanica, la tuberculose pulmonaire et le diabète. Elle est également utilisée dans des maladies inflammatoires (rhumatismes, goutte) et des troubles neurologiques comme l’épilepsie. Différents types de préparations à base d’Artemisia afra sont utilisées par voie interne comme externe.
  • L’infusion : Communément, un quart de tasse de feuilles fraîches est ajouté à une tasse d’eau bouillante et laissé infusé 10 min. Le mélange est ensuite filtré et l’infusion résultante est sucrée avec du miel. Cette préparation est prise par voie orale pour soulager la plupart des maux. L’infusion chaude est aussi utilisée comme gargarisme pour traiter les maux de gorge. L’infusion d’une double poignée de feuilles dans un litre d’eau est administrée sous forme de lavement pour les plaintes fébriles.
  • La décoction : (plante bouillie pendant 10 min) est un remède contre la fièvre et peut aussi être appliquée comme lotion sur des inflammations glandulaires ou cutanées, de l’herpès, des plaies et peut être utilisée pour baigner des parties du corps (conduit auditif externe, hémorroïdes). Une infusion de feuilles ou une décoction de racines est également utilisée pour le traitement du diabète dans la province du Cap oriental d’Afrique du Sud.
  • L’inhalation : Les affections respiratoires, les maux de gorge sont traités en inhalant la vapeur de feuilles bouillantes et parfois la fumée des feuilles qui se consument.
  • Le cataplasme des feuilles et onguents est appliqué pour soulager des névralgies, des inflammations glandulaires et cutanées (oreillons), la teigne tondante et placé sur l’abdomen pour traiter les coliques infantiles.
  • L’extraction alcoolique : Il est également possible de réduire les coliques en administrant une teinture faite de feuilles mouillées par le cognac.

Sources

Thomas Brendler , African Herbal Pharmacopeia, 2010, Ed. AAMPS

Some Medicinal Forest Plants, FAO Forestry Paper 67, 1986

N.Q. Liu, et Al., Artemisia afra: A potential flagship for African medicinal plants ? South African Journal of Botany 75 (2009) 185–195 https://doi.org/10.1016/j.sajb.2008.11.001

Patil GV, Dass SK, Chandra R (2011) Artemisia afra and Modern Diseases. J Pharmacogenom Pharmacoproteomics 2:105. doi:10.4172/2153-0645.1000105